Chapitre 16 – Le Souffle d’Aeralis

Le vent changea dès qu’ils franchirent les limites du monde connu.

Aeralis, la cité oubliée, n’apparaissait sur aucune carte. Elle se trouvait au-delà des mers brumeuses, derrière les montagnes hurlantes, dissimulée dans un territoire que la mémoire humaine avait abandonné. Il leur fallut dix jours de voyage à travers des terres maudites, où même les ombres semblaient conscientes de leur présence.

Le silence régnait. Pas un chant d’oiseau, pas un murmure de vent. Et pourtant, ils sentaient qu’on les observait.

Gabriel guidait le groupe avec une détermination silencieuse. Li-Mei, toujours affaiblie par la fusion avec la flamme, tenait à peine debout. Théo gardait l’arrière, son regard constamment tourné vers l’horizon, sa main toujours proche de la garde de sa lame.

Enfin, au quatorzième lever de soleil, ils l’aperçurent.

Aeralis.

Ou ce qu’il en restait.

La cité était sculptée dans un métal oublié, d’une blancheur spectrale. Les tours, tordues comme si elles avaient fondu sous une chaleur divine, semblaient flotter dans un champ de poussière figée. Le sol lui-même était fracturé, comme si la réalité y avait été brisée.

Li-Mei s’agenouilla. Elle murmura :

— Ce lieu... ce n’est pas une ruine. C’est une cicatrice.

Ils pénétrèrent lentement dans les rues mortes. Partout, des symboles anciens, familiers et pourtant altérés, semblaient pulser d’une lumière froide. Au centre d’Aeralis se dressait un sanctuaire circulaire, gardé par deux statues de dragons entrelacés, un européen, massif et cornu, et un asiatique, élancé et serpentin.

Théo fronça les sourcils. — Une fusion de cultures. Comme si cette ville n’appartenait à aucun peuple… et à tous.

Dans le sanctuaire, un socle vide les attendait. Au-dessus, suspendu dans l’air, brillait le dernier fragment. Mais cette fois, il ne flottait pas librement. Il était maintenu par des chaînes d’or liquide, pulsant à chaque seconde comme un cœur artificiel.

Gabriel fit un pas, mais une voix retentit.

— C’est ici que vous tombez.

Du néant, surgit une silhouette encapuchonnée. Puis deux. Puis dix. Les agents de l’Ordre des Cendres Hautes. Mais ils n’étaient pas seuls.

À leurs côtés marchaient des êtres drapés de cendres et de lumière, humanoïdes mais sans visage. Les « Témoins de l’Éveil », murmura Théo. Une caste que l’on pensait légendaire, gardiens du vrai passé, liés au pacte originel que les humains avaient trahi.

Le combat éclata.

Li-Mei, faible mais lucide, invoqua le souffle de la flamme. Le feu dansa à travers ses veines, formant un bouclier. Gabriel fendit les lignes ennemies avec une rage mêlée de lucidité. Théo, silencieux comme une ombre, affronta l’un des Témoins en duel singulier.

Mais la vérité était là : ils étaient dépassés.

Alors que Gabriel atteignait le fragment, un des Témoins s’interposa. Mais au lieu de le frapper, il posa une main sur sa poitrine.

— Tu portes en toi un secret qui n’est pas le tien. Tu es l’héritier de ce qui aurait dû être détruit.

Le fragment réagit.

Un cercle de lumière les enveloppa. Les souvenirs affluèrent dans l’esprit de Gabriel : la véritable origine des fragments, le rôle des dragons anciens, les pactes scellés entre les premières civilisations… et une vision : son propre père, agenouillé devant un autel, concluant un marché interdit.

Gabriel hurla. La lumière implosa. Tous furent projetés hors du sanctuaire.

Quand il se releva, le fragment était dans sa main.

Mais quelque chose en lui s’était brisé.

Et Aeralis tremblait.

Chapter 16 – The Breath of Aeralis The wind changed the moment they crossed the limits of the known world.

Aeralis, the forgotten city, appeared on no map. It lay beyond the mist-covered seas, past the howling mountains, hidden in a land human memory had abandoned. It took them ten days of travel through cursed lands, where even the shadows seemed aware of their presence.

Silence reigned. No birdsong, no whisper of wind. And yet, they felt watched.

Gabriel led the group with quiet determination. Li-Mei, still weakened by the fusion with the flame, could barely stand. Théo brought up the rear, eyes scanning the horizon, hand never far from his blade.

At the fourteenth sunrise, they saw it.

Aeralis.

Or what remained of it.

The city was carved from a forgotten metal, ghostly white. Towers, twisted as if melted under divine heat, floated above a field of frozen dust. The very ground was fractured, as if reality had splintered there.

Li-Mei knelt. She whispered:

— “This place… it’s not a ruin. It’s a scar.”

They moved slowly through the dead streets. Everywhere, ancient symbols—familiar yet distorted—pulsed with a cold light. At the heart of Aeralis stood a circular sanctuary, guarded by two intertwined dragon statues: one European—horned and massive, the other Asian—serpentine and graceful.

Théo frowned.

— “A fusion of cultures. As if this city belonged to no one… and to everyone.”

Inside the sanctuary, an empty pedestal awaited them. Above it, suspended in air, shimmered the final fragment. But it did not float freely. It was bound by chains of liquid gold, pulsing like an artificial heart.

Gabriel stepped forward—then a voice echoed.

— “This is where you fall.”

From the void, a hooded figure emerged. Then two. Then ten. Agents of the Order of High Ashes. But they were not alone.

At their sides walked beings cloaked in ash and light—humanoid, faceless. The “Witnesses of the Awakening,” Théo murmured. A caste thought to be myth, guardians of the true past, bound to the original pact mankind had betrayed.

Battle erupted.

Li-Mei, weakened but lucid, summoned the breath of flame. Fire danced through her veins, forming a shield. Gabriel cut through enemy lines with a rage tempered by clarity. Théo, silent as a shadow, faced one of the Witnesses in a solitary duel.

But the truth was plain: they were overwhelmed.

As Gabriel reached the fragment, one of the Witnesses blocked his path. Yet instead of attacking, it placed a hand on his chest.

— “You carry a secret that is not yours. You are heir to what should have been destroyed.”

The fragment reacted.

A ring of light engulfed them. Visions flooded Gabriel’s mind: the origin of the fragments, the role of the ancient dragons, the pacts sealed between the first civilizations… and a final image: his own father, kneeling before an altar, forging a forbidden bargain.

Gabriel screamed. Light imploded. All were thrown from the sanctuary.

When he stood, the fragment was in his hand.

But something inside him had shattered.

And Aeralis trembled.

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