Chapitre 20 : Le Cœur d’Obsidienne

Le sol vibrait sous les pas de Fyrael alors qu’il approchait de l’Autel Final. Le pont de lumière derrière lui s’était éteint — non pas comme une porte qui se ferme, mais comme un rêve qu’on oublie.

Devant lui, une immense plateforme flottait dans le vide, entourée de piliers formés de souvenirs figés : des visages, des gestes, des fragments de serments. En son centre, un piédestal noir, poli comme un miroir, battait au rythme d’un cœur ancien. C’était le Cœur d’Obsidienne, ultime vestige du pacte originel.

Une voix s’éleva. Douce, mais immense. Pas une voix humaine.

— « Tu es venu seul, mais tu portes tous les choix. »

Fyrael regarda autour de lui. La lumière semblait se plier sous le poids du lieu. Même ses pensées peinaient à naître.

— « Montre-moi ce que tu es, » dit la voix.

Le sol sous ses pieds se fissura. De chaque faille surgit un souvenir : sa rencontre avec Sélénéa, les cris des villes en flammes, les serments faits à Gladeen, et les promesses trahies.

Il vit aussi Zëfar. Dans un moment suspendu, figé, au sommet d’une tour brisée. Les yeux pleins de rage, mais aussi… de regret.

— « Pourquoi m’avoir amené ici ? » murmura Fyrael.

La voix répondit :

— « Pour comprendre. Le Secret n’est pas un pouvoir à utiliser. C’est la mémoire de tous ceux qui ont essayé de contrôler l’irréversible. C’est un poids. Une dette. Et seuls ceux qui acceptent de ne jamais en tirer gloire peuvent le porter. »

Fyrael s’approcha du piédestal. Le fragment qu’il portait vibrait si fort qu’il crut son cœur prêt à éclater.

Une forme surgit alors du piédestal. Ni homme, ni femme. Ni vivant, ni mort.

— « Je suis ce qui reste de l’équilibre. Je suis l’écho du premier pacte. Et tu dois choisir. »

Trois voies s’ouvrirent autour de lui.

Réactiver le Pacte, et lier à nouveau tous les peuples, mais au prix de son identité. Il deviendrait le gardien du Secret, éternel et seul.

Détruire le Cœur, et briser pour toujours les chaînes du passé. Mais le monde serait livré au chaos — libre, mais fragmenté.

Transmettre le Secret, à un nouvel élu. Mais nul ne pouvait prédire ce qu’il en ferait.

Fyrael tomba à genoux.

Il revit Sélénéa. Ses rires, ses silences, son regard qui savait déjà.

Puis il se releva.

Et il choisit.

—

Quand la lumière cessa, il ne restait plus de corps.
Juste une stèle.
Sur laquelle était gravée une phrase, en une langue oubliée, mais que le vent semblait savoir chanter :

« Que le Secret ne soit plus une arme. Qu’il devienne mémoire. »

Et le monde de Velorn respira, pour la première fois depuis mille ans, sans dette.